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Catégorie : Récits Littéraires

Viagens, de João dos Reis Gomes

Le titre Viagens (Voyages) apparaît dans la littérature de voyage d’auteurs madériens comme la compilation, à titre posthume, de trois œuvres de João dos Reis Gomes, Através da França, Suíça e Itália, Três Capitais de Espanha et Através da Alemanha. La particularité de cet(ces) ouvrage(s) est comprise comme étant un (des) exemplaire(s) de la littérature de voyages d’un auteur madérien concernant des voyages effectués hors de l’espace insulaire et de l’espace portugais.

Nous croyons, à cet égard, que ce type de littérature de voyage produite par des auteurs madériens ou des auteurs éprouvant de la sympathie pour Madère qui voyagent dans des zones continentales permet, dans le cas de João dos Reis Gomes, l’ouverture d’une autre suggestion de recherche qui est la vision de l’Europe continentale par un îlien originaire d’un territoire de l’ultrapériphérie européenne actuelle. Les textes de João dos Reis Gomes suggèrent également une interprétation du phénomène touristique du début du XXème siècle, lié à des raisons religieuses, récréatives ou médicinales et thérapeutiques, ce qui est également vécu dans l’espace insulaire.

            Dans ce contexte, le témoignage de voyage d’un îlien dans un espace continental révèle une mesure de description propre à quelqu’un résidant sur une île et qui peut mesurer le monde à travers elle, ce qui permet d’envisager l’insularité comme une ouverture sur le monde.

Dans Viagens, João dos Reis Gomes, motivé par la connaissance de l’autre, offre au lecteur le regard de l’écrivain voyageur et non un simple commentaire touristique : « Il s’approprie le rythme et la technique de l’épisode et du récit historique, assurant la couleur locale, à travers un regard témoin, subjectif. Apparaît alors la catégorie de l’écrivain voyageur, avec une double fonction : être un regard qui écrit et, en même temps, un écrivain » (Mello, 2010 : 145). En ce qui concerne les trois livres qui composent le volume Viagens, nous parlons d’une expérience résultant du deuxième voyage madérien aux sanctuaires mariaux européens, d’un voyage de loisirs en Espagne et d’un voyage pour des raisons de santé et de loisirs en Allemagne.

Através da França, Suíça e Itália a été publié sous forme de livre en 1929, sur la base des chroniques de João dos Reis Gomes publiées tout d’abord dans le journal Diário da Madeira en 1926, l’année du deuxième voyage madérien. Nous pensons que le deuxième voyage madérien s’inscrit dans le contexte des grands voyages transnationaux qui se déroulent un peu dans toute l’Europe, influencés par le climat des apparitions de Fatima, la canonisation de Marguerite de Alacoque, le 13 mai 1920, par le pape Benoît XV, et l’afflux important de pèlerins à la grotte de Lourdes, phénomène de foi, facilité par des groupes catholiques.

Cependant, nous parlons d’une histoire banale parce que João dos Reis Gomes avoue qu’il ne se sent pas capable d’aborder les questions religieuses et écrit parce que ses amis lui ont demandé de le faire : « Certains amis m’avaient demandé, avec une insistance sérieuse, de leur donner quelques brèves impressions de ce voyage » (Reis Gomes, 2020 : 23). Nous croyons que l’un des plus grands points d’intérêt de ce récit de voyage est la démonstration de la pensée conservatrice de l’auteur et ses réflexions sur la politique, la société et la culture, en gardant à l’esprit que João dos Reis Gomes est militaire de formation et un îlien qui se voit devant différentes manières d’être. Ce à quoi nous pouvons ajouter une certaine admiration pour l’ordre politique italien, surtout si nous la comparons aux événements du Portugal et à la situation périlleuse de la Première République : « Le voyageur ressent la parfaite communion du peuple avec le sauveur de l’Italie [Mussolini]  » (Reis Gomes, 2020 : 157).

En tant qu’écrivain voyageur insulaire, la nostalgie (« saudade ») s’installe lors de certains épisodes de l’auteur et de sa comitive, comme c’est le cas de la comparaison avec la Côte d’Azur et les montagnes de Suisse : « Le spectacle [le paysage suisse] est, en vérité, grandiose et émouvant d’évocation. Personne n’a cessé de penser, plus vivement, à sa petite maison sur l’île majestueuse » (Reis Gomes, 2020 : 195).

En ce qui concerne Três Capitais de Espanha, il s’agit du récit d’un voyage particulier, dédié à son fils Álvaro Reis Gomes, « compagnon de ces digressions » (Reis Gomes, 2020 : 227). Le périple de l’écrivain voyageur est intimement lié à l’histoire espagnole, du nord, Burgos, en passant par Tolède, conquise par Alphonse VI, jusqu’à la ville impériale de Séville. Le témoignage de l’écrivain voyageur s’appuie sur l’art et la culture et la subjectivité de l’admiration : « Mais pourquoi j’écris alors ?! D’abord, par une imposition d’esprit ou, plutôt, de sensibilité, qui ne me permet pas de contenir les émotions captées – […] ; deuxièmement, parce que, étant donné le droit d’admirer, dans l’appréciation de tout fait, pays ou œuvre d’art, il y a toujours un certain facteur subjectif  » (Reis Gomes, 2020 : 229).

En ce qui concerne Através da Alemanha, nous sommes devant la curiosité qu’il s’agit d’un livre publié en 1949, avec les chroniques publiées en 1931, dans le journal Diário da Madeira. L’édition livresque a pour but de témoigner au lecteur de la civilisation allemande d’avant la Seconde Guerre mondiale : « seulement des éléments pour une confrontation entre le passé [1931] et le présent [1949] ; confrontation qui, aussi déchirante qu’expressive, si au moins elle pouvait contribuer – naïve utopie ! – à adoucir l’âme et à prévenir la conscience » (Reis Gomes, 2020 : 283).

Outre l’approche d’un pays éloigné de la périphérie européenne, les intérêts de João dos Reis Gomes se trouvent à Neubabelsberg, la visite du studio de l’UFA (Universum-Film Aktiengesellschaft) et la contemplation de l’art cinématographique, la remontée du Rhin (d’où il retirera une inspiration pour son livre A Lenda de Loreley, contada por um latino) et son émotion, en tant que journaliste et homme des arts, lors de son passage par le musée Gutenberg, à Mayence.

Pour tout cela, nous pensons que Viagens est un exemple de l’écrivain voyageur insulaire et de la perspective extérieure qu’il apporte au monde insulaire, de par la conscience qu’il s’agit de mondes différents et de par le phénomène du tourisme. Les thèmes abordés reflètent le fait que l’insularité appartient à un monde global, dans lequel les événements qui se produisent dans un espace et un temps donnés sont interconnectés et agissent sur plusieurs autres points géographiques, qu’ils soient de nature politique, culturelle, philosophique ou scientifique.

Paulo César Vieira Figueira

Guiomar Teixeira, de João dos Reis Gomes

Le drame historique Guiomar Teixeira, de João dos Reis Gomes, est l’adaptation au théâtre du roman historique du même auteur, A Filha de Tristão das Damas.

Publié en 1913 et mis en scène la même année au Teatro Funchalense[1], nous pensons que Guiomar Teixeira est régi par les mêmes intentions que le roman historique: se remémorer les 400 ans de l’aide du capitaine Simão Gonçalves da Câmara lors de la conquête portugaise de Safi, « La pièce a été écrite avec l’intention par un coup d’œil sur le passé de réveiller des brios endormis et, en particulier, élever la grande et fière âme madérienne » (Reis Gomes, 1914 : 11), et protester subtilement contre l’état d’autonomie administrative, accordée au district de Funchal, en 1901 : « cette pièce marque le début d’une ère de renouveau historique qui, parmi nous, atteint son apogée en 1922, avec les Commémorations du Vème  Centenaire de la Découverte de Madère » (Melo e Carita, 1988 :87) .

En suivant le script de A Filha de Tristão das Damas, l’une des plus grandes curiosités de Guiomar Teixeira est celle qui nous permet de considérer João dos Reis Gomes comme le premier dramaturge à introduire «- une première absolue au niveau national et même international – la cinématographie comme appui à la représentation théâtrale sur scène, en montrant un film dans le 4ème et dernier tableau» (Rodrigues, 2019 : 153), dans la représentation de la bataille entre chrétiens et musulmans : « la maîtrise avec laquelle il [João dos Reis Gomes] a envisagé le tableau grandiose du siège de Safi, où apparaît pour la première fois l’idée très originale de profiter du cinématographe, pour révéler immédiatement cette particularité de son talent » [2].

Dans le journal Diário da Madeira du 24 juin 1913, João dos Reis Gomes lui-même explique l’idée de la fusion entre le théâtre et le cinéma : « le théâtre, qui s’appuie sur tant d’arts, de sciences et d’industries, utiliserait ici, avec une singulière pertinence, l’une des réalisations les plus belles, les plus répandues et les plus utiles de l’optique : l’animatographe »3. En d’autres termes, la bataille de Safi, qui comprenait l’expédition de Madère, serait représentée à l’aide de la toile.

Le film est présenté comme suit : « Au loin, un paysage des environs de la ville, reproduit par le Cinématographe, où se déroule la dernière étape de la grande bataille contre les Maures qui s’est terminée par le siège de Safi » (Reis Gomes, 1914 : 79 ). Lors du passage du film muet, « O Cerco de Safim (Le Siège de Safi) », les acteurs, accompagnés d’un orchestre, font les commentaires sur scène : « Les soldats suivent attentivement, commentant dans le dialogue qui suit, toutes les particularités de la rencontre des cavaleries portugaise et maure, reproduite par le cinématographe » (Reis Gomes, 1914 : 79).

« Le siège de Safi » a ainsi été intégré à la représentation de Guiomar Teixeira. Le tournage a eu lieu le 25 mai 1913, au lieu-dit Chão da Abegoaria, Caniço, dans le but de faire partie de la pièce, comme en témoigne le journal Diário da Madeira : « Avant-hier, au lieu-dit Chão da Abegoaria, Caniço, a eu lieu le simulacre de combat entre maures et chrétiens, qui avait été annoncé, et qui sera reproduit par l’animatographe pendant le troisième intermède de la monumentale pièce historique du capitaine d’artillerie Mr. João dos Reis Gomes, Guiomar Teixeira »4.

Lors de la représentation du 28 juin 1913, Emma Trigo a joué de rôle de Guiomar et João dos Reis Gomes celui de Christophe Colomb. Les autres rôles ont été joués par Izabel de Oliveira, Maria Dulce Reis Gomes et Vieira de Castro, entre autres5. La pièce a également été représentée par la prestigieuse compagnie italienne Vitaliani-Duse, non plus « comme représentation d’amateurs » (Rodrigues, 2019 : 152), en 1914 : « Le succès de cette pièce fut tel que cette année-là [1913] la célèbre compagnie dramatique italienne Vitaliani-Duse est invitée à venir à Funchal » (Melo et Carita, 1988 : 87).

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3 Journal Diário da Madeira, 24-6-1913, p. 1, « J. Reis Gomes ‘Guiomar Teixeira’ ». Dans cet article, Reis Gomes fait connaître les conversations qu’il a eues à Lisbonne avec deux personnalités de la mise en scène pour la dramatisation de la pièce dans la capitale.

4 Journal Diário da Madeira, 27-5-1913, p. 1, « Guiomar Teixeira, ‘o combate entre mouros e christãos’, o dia de ante-hontem no Caniço ».

5 Journal Diário da Madeira, 30-6-1913, p. 1, « Noite d’arte ».

Lors des commémorations du Cinquième Centenaire de Madère, Guiomar Teixeira est à nouveau représentée, liée, une fois de plus, à l’exultation du brio madérien, lorsque les élites revendiquaient à nouveau une meilleure autonomie, dans une perspective d’amélioration socio-économique. Pour cela, ils reprennent l’âge d’or des débuts de l’archipel, camouflant les intentions régionalistes et autonomistes des élites madériennes des années 1920.

C’est ainsi que nous comprenons le rôle de Guiomar Teixeira dans cet événement. Étant donné que le Cinquième Centenaire est un événement de grande visibilité, il est logique qu’une pièce basée sur un roman historique qui, de manière déguisée, appelle à l’autonomie, soit une référence pour les festivités, en comptant sur la publicité dans les journaux canariens et sur la présence de personnalités renommées, comme Sofia de Figueiredo.

Pour nous, Guiomar Teixeira justifie une analyse séparée, car nous pensons qu’elle englobe des aspects politiques et culturels du sentiment d’insularité madérien et une contribution à la construction de ce sentiment identitaire, en abordant des points tels que l’autonomie, le régionalisme et le fait de revivre la « période la plus glorieuse et brillante de l’histoire de cette île » (Reis Gomes, 1914 : 10), bien que dans une perspective de patrie.

Le drame historique met en valeur des caractéristiques marquantes qui valident un panthéon régional distinct de l’ensemble national, mais, en même temps, partie intégrante de cet ensemble : « La construction du régionalisme cherche des fondements dans le discours scientifique, culturel et littéraire. Parallèlement à l’affirmation de ces politiques et mouvements en faveur de la région, des études locales et régionales se développent. L’Histoire locale et régionale gagne en visibilité et se différencie de l’Histoire nationale. Un panthéon de héros régionaux se construit. » (Vieira, 2018 : 20).

Guiomar Teixeira a été traduite en Italien par Virgilio Biondi, sous le titre La Figlia del Vice-Ré.

Paulo César Vieira Figueira

[1] L’actuel Teatro Municipal Baltazar Dias s’est appelé auparavant Teatro D. Maria Pia, Teatro Funchalense et Teatro Dr. Manuel Arriaga.

[2] Journal Diário da Madeira, 17-2-1913, p. 1, « A filha de Tristão das Damas e a Guiomar Teixeira (Cartas a uma senhora) II ». La deuxième partie de l’article de Braz Zinão est une contribution critique à l’appréciation de Guiomar Teixeira, louant le talent et l’inventivité de João dos Reis Gomes, comme dans le cas de l’introduction du film « O Cerco de Safim (Le Siège de Safi) ».

Romans Historiques – João dos Reis Gomes

Les romans historiques de João dos Reis Gomes représentent trois titres, A filha de Tristão das Damas (1909 et 1946), O anel do Imperador (1934) et O cavaleiro de Santa Catarina (1942), qui se concentrent sur des questions politiques, historiques et des traditions locales. Du point de vue de la technique littéraire, il ne s’agit pas de romans innovants ; ils révèlent une claire influence de la structure du modèle du roman historique romantique.

La relation de ces œuvres de João dos Reis Gomes avec l’insularité, en particulier avec la construction de l’identité madérienne, s’inscrit dans une perspective où le régionalisme et l’affirmation des régions commence à être une réalité en Europe.

Né de la réalité française, au milieu du XIXème siècle, le régionalisme a influencé la lutte pour l’émancipation de nombreuses régions, dont Madère (Vieira, 2001 : 144). L’élite intellectuelle madérienne a cherché à légitimer la lutte pour une plus grande visibilité de l’archipel, à travers la récupération de référents historiques, de traditions et de traits folkloriques soutenant cette identité insulaire : « Une classe politique, aliénée ou ignorante du passé historique, n’aura que très peu la possibilité de faire passer avec succès son discours politique » (Vieira, 2001 : 143).

La différence identitaire insulaire par rapport à l’ensemble national a commencé à être construite par les générations du début du XXème siècle, privilégiant l’Histoire, d’autres sciences et la littérature : « Ces générations, aux influences régionalistes évidentes, ont cherché, par le biais de l’histoire, de la littérature, de la science, la construction et la validation d’un panthéon régional sur lequel se fonderait une marque de différence » (Figueira, 2021 : 130) [1].

C’est dans ce contexte qu’apparaît A filha de Tristão das Damas, en 1909. Le premier roman historique madérien autodénommé a pour point central l’aide du troisième capitaine-donataire de Funchal, Simão Gonçalves da Câmara, dans la conquête de Safi par le Portugal. Ce motif sert à célébrer les 400 ans de l’intervention de Madère, comme l’un des épisodes historiques de l’archipel, ainsi qu’à présenter une critique subtile à l’autonomie administrative de 1901. La publicité concernant l’engagement de la politique étrangère portugaise à maintenir l’Empire africain est également importante. En effet, en 1946, date de la deuxième édition de l’œuvre, outre l’aspect régionaliste, c’est à nouveau l’assomption du Portugal comme puissance coloniale, hors de la sphère des puissances émergentes (USA et URSS), qui guide la publication de ce roman historique. En 1962, le roman est à nouveau publié, mais en fascicules par le journal Diário de Notícias de Funchal, dans le but de défendre la guerre d’outre-mer et de légitimer l’Empire portugais.

            O anel do Imperador raconte le passage de Napoléon à Funchal, lors de son deuxième exil, cette fois vers l’île de Sainte Hélène. La question de cet épisode historique, alliée à la visite fictive de Mademoiselle Isabel de S. à l’Empereur des Français, a créé une tradition populaire mise en scène dans le roman de João dos Reis Gomes. Derrière la fiction, il y a cependant la propagande de la figure de Salazar, dans une similitude avec l’épisode de Napoléon à Madère, cherchant à présenter la figure d’un leader politique sensible qui mérite l’acceptation de ses pairs madériens. Il convient de rappeler que, dans les années 1930, entre le gouvernement des militaires et l’ascension définitive de l’« Etat nouveau », l’épisode de la Révolte de Madère, une insurrection politico-militaire contre le gouvernement de la dictature militaire, a tendu l’atmosphère entre Madère et la capitale, en plus des lois monopolisatrices concernant la farine et le lait, qui étaient des industries importantes dans l’archipel, à l’époque.

Le salazarisme, dans son action de propagande, a cherché à accueillir les élites madériennes en son sein, dans un climat d’harmonie entre l’archipel et le Gouvernement, où l’aspect régionaliste se trouve renforcé en fonction des intérêts de la patrie.

O cavaleiro de Santa Catarina offre au lecteur un aperçu de la vie et de la légende d’Henrique Alemão, le « sesmeiro » (NdT : personne responsable de la culture ou de la répartition des terres incultes ou abandonnées) de Madalena do Mar, dont l’identité serait celle de Ladislas III, le roi de Pologne disparu à la bataille de Varna (1444).

Avec ce livre, l’auteur, outre le fait d’essayer de préserver un patrimoine endommagé par l’inondation de 1939 à Madalena do Mar, cherche à explorer le mythe du Sébastianisme, car il existe une identification claire entre la vie du roi polonais et celle de Sébastien Ier (D. Sebastião) parce que tous deux cherchent à combattre les mahométans, mais finissent par être portés disparus dans la bataille décisive, le roi polonais à Varna et le roi portugais à Ksar El Kébir.

Les circonstances de ce roman historique, l’inondation de 1939 et le mythe du Sébastianisme sont également liées au Monde portugais, en 1940, et à la célébration de la double indépendance portugaise (1140 et 1640). Une fois de plus, João dos Reis Gomes s’approprie une figure panthéiste de l’Histoire et de la tradition madériennes pour servir les intentions régionalistes et, simultanément, la patrie qui, dans une période politique difficile, au milieu de la Seconde Guerre mondiale, cherche à maintenir une périlleuse neutralité par rapport aux blocs des puissances belligérantes. La figure « sébastique », dans ce contexte, invoque, à notre avis, l’âme de la résistance nationale et le courage portugais dans une situation difficile.

Paulo César Vieira Figueira

[1] Alberto Vieira conçoit l’idée de construire un panthéon de héros régionaux dans le sens d’une différenciation entre histoire régionale et nationale : « les études locales et régionales se développent. L’Histoire locale et régionale gagne en évidence et se différencie de l’Histoire nationale. Un panthéon de héros régionaux se construit » (Vieira, 2018 : 20).

CÉNACULO

Le Cenáculo (Cénacle) était un groupe de tertúlia (rassemblement littéraire) qui se réunissait au Golden Gate[1], fondé par João dos Reis Gomes, le Père Fernando Augusto da Silva et Alberto Artur Sarmento. Ce groupe est devenu pertinent en raison des idées présentées, bien que, jusqu’à présent, on ne connaisse pas de procès-verbaux ou de documents officiels de la tertúlia qui nous permettent d’évaluer objectivement le débat intellectuel. Quant aux membres constituants et étant donné le faible manque de place pour l’acceptation de nouveaux éléments, Joana Góis fait état de 24 membres (Góis, 2015 : 24-25), dont le fils de João dos Reis Gomes, Álvaro Reis Gomes.

Le vicomte de Porto da Cruz témoigne également du fait que le groupe n’était pas très ouvert aux nouvelles générations : « Autour du ‘Cenáculo’ sont apparus des curieux qui n’osaient pas s’approcher d’un centre aussi restreint où, en particulier, Reis Gomes et le Père Fernando da Silva, ne voyaient pas d’un bon œil l’avènement de nouvelles valeurs  » (Porto da Cruz, 1953 : 12).

Joana Góis partage l’avis du vicomte et ajoute que la tertúlia était un mystère en termes d’action collective, mais s’exprimait très bien par le rôle de ses individualités : «  La génération ‘mystérieuse’ se réunissait en silence et est restée, avant tout, dans la sphère privée et sans expression publique de ses travaux » (Góis, 2015 : 21).

             Les éléments du Cenáculo gravitent autour de l’édition de deux journaux dirigés par le Major João dos Reis Gomes, Heraldo da Madeira et Diário da Madeira, respectivement, dont les lignes directrices abordent des sujets liés à l’autonomie, au régionalisme et à l’histoire, à la littérature, aux traditions et à la politique en rapport avec l’Archipel de Madère, le tout sous l’égide d’un certain conservatisme et patriotisme, mais qui n’empêche pas la construction et la défense d’une identité madérienne.

Nous croyons que l’action la plus remarquable du Cenáculo, en tant que collectivité, est la formation de la Mesa do Centenário (Bureau du Centenaire), dans le but de célébrer le 500ème anniversaire de Madère. Dans l’intention également d’une commémoration d’envergure nationale, l’action des membres de la Mesa do Centenário a conduit au lancement du défi de moderniser Funchal, afin de rendre digne la scène de l’événement.

Entre le Cenáculo et la Mesa do Centenário, il semble y avoir eu une transition naturelle et, sur la base des positions pensées et publiées dans le Diário da Madeira, le programme commémoratif du Centenaire de Madère a été créé. La « Génération du Cenáculo » a réussi à ajouter une assise culturelle à l’événement, déclenchant une atmosphère de conflit avec la politique de la métropole, ce qui a abouti à ce que, entre décembre 1922 et janvier 1923, Lisbonne ne s’est pas fait représenter, malgré les diverses commissions de niveau international.

Le fait s’est avéré infructueux en raison du manque de durabilité argumentative par rapport à l’identité madérienne car, selon Nelson Veríssimo, « Il y eut un manque d’intellectuels exaltant ces principes qui réunirent les volontés et encouragèrent la conduite des populations par des guides enthousiastes. » (Veríssimo, 1985 : 232). Après les festivités, les membres du Cenáculo ont également été des voix participatives au sein de la Commission d’Étude des Bases de l’Autonomie de Madère.

La ligne de pensée du Cenáculo se rapproche, d’après ce que l’on peut en juger par ses membres, par les journaux et par l’action de la Mesa do Centenário, d’une identité madérienne proche des valeurs de la patrie (peuplement portugais, exaltation de l’élément portugais) et pas tant du cosmopolitisme également présent dans le sentiment madérien2.

Les réunions et les idées du « nid d’aigle » ont continué à être la cible de critiques fascinés par le groupe : « [Reis Gomes] Venant du labyrinthe de la vue de la ville, après avoir fait son long parcours professionnel quotidien – […] – il trouvait dans la conversation intime avec des amis, réunis dans l’une des salles de l’hôtel Golden Gate, l’oasis bienfaisante pour son repos physique et intellectuel » (Vieira, 1950 : 18). Pour ce qui est de la littérature, João dos Reis Gomes et la « génération du Cenáculo » deviennent les précurseurs des intellectuels qui, dans les années 1940, voient « dans le récit de fiction à fort caractère régionaliste » la possibilité « de constituer une histoire, une mémoire, une bibliothèque, une identité culturelle forte pour les générations futures de l’île » (Santos, 2008 : 569).

Paulo César Vieira Figueira

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2 Cf. Ana Salgueiro, « Os imaginários culturais na construção identitária madeirense (implicações cultura/economia/relações de poder) », 184-204.


[1] Le Golden Gate, connu comme l’un des « angles du monde », selon les mots de Ferreira de Castro, et en raison de sa situation géographique, à proximité de la cathédrale de Funchal, du port, du palais de São Lourenço et de la statue de Zarco, est un espace de restauration célèbre qui favorise le passage de citoyens du monde entier, principalement sur sa terrasse, ce qui est encore vérifiable aujourd’hui.

L’île d’utopie

Peu de lieux dépendent autant de leur vision que les îles, où tout se passe en effet comme si chose et représentation ne formaient qu’un, par une opération qui ferait correspondre immédiatement le réel à son image. On voit l’île être au monde en même temps que naître à son intellection via tout un imaginaire. On la cerne en même temps qu’on la discerne. Une des raisons de son mythe est sa centralité. Si l’île est, dès l’Antiquité, présentée comme un nombril (omphalos), c’est non seulement parce qu’elle figure, en petit, l’Écoumène entouré d’eau mais parce qu’elle indique une origine. Or, ce berceau de l’île, où la mythologie fait naître Zeus (en Crète), Apollon (sur Délos), Aphrodite (à Cythère), est aussi le tombeau que peint Böcklin dans son Île des morts. Une idée d’origine aboutit donc à la notion de cycle. Et parler d’ombilic amène en outre à faire état du cordon qu’est l’île une fois considérée non plus dans sa singularité mais dans sa globalité d’archipel, où la centralité fait place alors au décentrement. Si bien qu’on ne finit jamais de faire le tour de l’île, à la fois totale et finie, fragmentaire et discontinue. Là se trouve une explication du succès de l’archétype insulaire : son ambivalence, ou plutôt sa réversibilité.

C’est par inversion que le vocable « archipel » (Aigaion pelagos, étymologiquement la mer Égée) désigne aujourd’hui non plus le contenant « mer » mais le contenu « îles » ou qu’inversement le mot Méditerranée ne désignait pas la mer du même nom mais, littéralement, ce qui se trouve au milieu des terres. Et c’est un peu de la même façon que l’utopie, genre impossible à dissocier de l’île avec laquelle il est né, ne peut être envisagée sans postuler simultanément sa réalité spatiale et sa fiction de lieu situé nulle part. Ou-topos, autrement dit « non-lieu ». Mais poser la négation revient – tel est son paradoxe – à la nier. Ce n’est pas que l’utopie ne soit dans aucun lieu, c’est qu’elle est le lieu de son non-lieu. C’est que son propre est d’être autre, et son nulle part un ailleurs, ou même un nulle-part-ailleurs – une réalité de fiction conditionnée par un vide où se constituera, sur un jeu de mots, le meilleur des mondes possibles (eu-topos)[1].

On sait que les pages du manuscrit censées nous informer sur les coordonnées de l’île d’Utopie de Thomas More (1516) ont disparu, que Raphaël Hythloday, voyageur et narrateur utopien du livre, est inconscient pendant son arrivée sur une terre inconnue dont, comme si cela ne suffisait pas, la quinte de toux d’un domestique empêche, au Livre I, d’entendre une première fois la position par des mots qui ne sont que chuchotés. Le lieu de l’Utopie restera sans localisation. Le récit seul, après que le narrateur aura quitté l’île, attestera de la vérité de celle-ci, par la fiction. C’est ce qui la restitue qui l’institue. L’utopie fait du discours une condition de l’espace et c’est le livre éponyme, ici, qui qualifie non seulement l’île mais aussi, bientôt, tout le genre utopique.

Un premier acte utopique est de couper l’isthme attachant la future île au continent. Ce mouvement de fondation géographique (une coupure aussitôt suivie d’une clôture) est complété par la nomination du lieu de la sorte instauré d’après le nom de son fondateur, Utopus, avec lequel elle se confond comme un lieu fondé sur ce qui le dénomme, un lieu dont la configuration se présente en amphithéâtre et constitue l’île en scène. Un détroit succède à l’isthme, inversant la continuité terrestre ancienne en solution de continuité liquide. Un rocher, « visible de très loin », réalise ensuite une réduplication par emboîtement diminutif. (Ce dispositif « en abyme » est redoublé par la mention d’un golfe « immense » en forme de « grand lac » intérieur.) Au centre de l’île (en son « nombril ») : une ville tenant lieu de capitale. Un chapelet de phares échelonné sur tout le territoire insulaire, enfin, confère à l’île une visibilité complète. « (…) l’île de Thomas More s’offre (…) tout entière comme une carte »[2].

Effet de fondation : l’île est un nouveau monde. Effet de condensation : l’île est un petit monde. Effet de réduplication : l’île est un monde en miroir. Effet de nomination : l’île est un monogramme[3]. Effet d’appropriation : l’île est rendue propre à l’accomplissement d’un pouvoir et d’un savoir. Effet de modélisation : l’île est un monde imagé qu’il importe, en tous ses points, de voir à la fois comme une carte, une scène, un tableau. Mais ce monde autre de l’île est le nôtre, un Mundus alter et idem, ainsi que le définit le titre d’une utopie de Joseph Hall écrite en 1605. « On retiendra surtout comme critère décisif de l’insularité l’obligation de penser l’île dans sa secondarité plutôt que dans sa singularité. Inséparable de la référence à ce qu’elle n’est pas, la thématique de l’île tiendrait nécessairement au lien dialectique que celle-ci entretient avec l’espace continental. »[4]

On s’explique ainsi que la bipolarité, non seulement de l’utopie (pas d’utopie sans dystopie…), mais du signifié de l’île en général (édénique/apocalyptique, érotique/érémitique, historique/idéologique, etc.) n’ait d’équivalent que sa réversibilité. Raison pour laquelle, à la notion de différence ou d’écart, on substituera la notion de neutre ou d’intervalle. Ou d’hétérotopies : « sortes de contre-emplacements, sortes d’utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacements réels, tous les autres emplacements réels que l’on peut trouver à l’intérieur de la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables. »[5]

Éric Fougère

[1] Voir Louis Marin, Utopiques : jeux d’espaces, Paris, Éditons de Minuit, 1973.

[2] Jean-Michel Racault, Robinson & Compagnie, aspects de l’insularité politique de Thomas More à Michel Tournier, Paris, Éditions Pétra, 2010, p. 28 (souligné dans le texte).

[3] Monogramme est le terme employé par Frank Lestringant pour indiquer la singularité du paradigme insulaire. Voir Le Livre des îles, atlas et récits insulaires de la Genèse à Jules Verne, Genève, Droz, 2002, p. 333-334.

[4] J.-M. Racault, Ibid., p. 16. Souligné dans le texte.

[5] Michel Foucault, « Des espaces autres », conférence au Cercle d’études architecturales (14 mars 1967), in Architecture, Mouvement, Continuité, n° 5 (octobre 1984), p. 46-49. Repris dans Dits et écrits II, Paris, Quarto Gallimard 2001, p. 1574-1575.

Île et robinsonnade

Robinsonnade est le nom qu’on donne aux récits d’îles désertes où sont jetés des naufragés pour y vivre en solitaires. Un nom (sans prénom) qui vient du personnage éponyme auquel on a soustrait son second patronyme : Crusoe – forme anglicisée de Kreutznaer, ainsi que s’appelait le père allemand de Robinson quand il est venu s’établir en Angleterre. On a dans ce « Crusoe » trois des directions les plus signalées du roman de Daniel Defoe (1719)[1]. Au niveau narratologique, une série de voyages antérieurs et postérieurs à celui qui conduit Robinson sur l’île (où la structure itinérante est reprise) inscrit le récit dans une dimension d’aventure et de rupture (Crusoe/cruise). Une autre approche a vu dans la robinsonnade une fable (il est vrai réaliste) inspirée par un contexte économique où Robinson peut passer pour le représentant puritain d’un individualisme et d’un capitalisme en plein essor[2] (kreuzer et cruzade sont des monnaiesdont le nom peut se lire implicitement dans celui de Crusoé – surtout la seconde : elle fait la fortune de Robinson sur ses plantations du Brésil). Au niveau de ce que Defoe lui-même appelle une lecture « allégorique »[3], enfin, certains critiques ont fait de Robinson Crusoé, sur le modèle des « autobiographies spirituelles » encouragées par le protestantisme, un roman du repentir et de la conversion[4] (Crusoe/cross – croix d’un croisé de la reconquête, épreuves ainsi traversées pour mériter le salut).

Quand Defoe fait dire à Robinson que toutes ses réflexions « sont l’histoire exacte d’un état de confinement forcé que, dans [s]on histoire réelle, [il] représente par une retraite confinée dans une île »[5], on ne sait plus bien ce qu’il y a de biographique et d’allégorique. Au-delà des interprétations visant à considérer le roman de Defoe comme une autobiographie cryptée, nous serions plutôt devant l’invention d’un mythe aux sources d’innombrables réécritures entre lesquelles se détache le roman de John M. Coetzee, Foe (1986), qui fait de l’auteur de Robinson Crusoé, fils de ses œuvres et père de la robinsonnade, un personnage à l’œuvre dans sa propre postérité littéraire[6]. Il y a deux raisons principales à ce mythe : une identification de l’espace insulaire à l’expérience existentielle (île déserte = solitude) et de la situation de départ à la notion de commencement (naufrage = origine). Or, de la même façon qu’il existe une pluralité d’accès critiques au récit d’île déserte, on observe une grande ambiguïté de ce récit, qui reste énigmatique.

Équivoque est, pour commencer, cette île prétendue déserte : « c’est […] en cessant de l’être qu’elle devient représentable, la présence en son sein d’un naufragé pouvant seule en autoriser la description. »[7] Biaisée, cette origine en trompe-l’œil d’une arrivée sur l’île, qu’on veut nous présenter comme un baptême et dont l’épave a tout d’une arche de Noé technicienne autorisant la reproduction de l’ancien monde à l’identique. Un double décalage empêche en effet le commencement d’être une origine absolue, comme le prétend Robinson quand il fait débuter chaque année par la date anniversaire de son naufrage. Un décalage entre la narration chronologique interne et le Journal (écrit d’ailleurs au passé !) que Robinson se met à tenir en revenant rétrospectivement sur son arrivée dans l’île. Un autre décalage, entre le temps de l’île et le temps « réel », est la raison du reliquat d’une année quand on fait le décompte de toutes les dates pourtant minutieusement mentionnées dans le roman, que la maladie de Robinson, resté plusieurs jours inconscient, prive ainsi du crédit nécessaire au nom que Robinson donne à Vendredi pour indiquer le jour de son sauvetage.

Un intérêt du roman de Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique (1967), est de centrer le récit d’île sur l’invention de cet autrui nommé Vendredi : « Si Robinson Crusoé est un mythe, il ne peut être alors que le mythe de l’origine d’autrui. »[8] Rien ne préfigure mieux cet autrui que l’empreinte du pied découverte un jour au bord de l’eau par Robinson. Cette empreinte est celle d’un seul pied. Témoignant de la solitude au point d’inciter le personnage à s’assurer que ce n’est pas son propre pied, l’empreinte est la marque en creux d’un autrui qu’il espère en tant que semblable et dont il a peur en tant que cannibale ou possible ennemi. Les animaux de l’île (un bouc, un perroquet…) remplissent à cet égard une fonction d’alter ego qui fait que Robinson tantôt croit se voir en eux, tantôt s’en distancie – dans les deux cas s’oblige à penser son altérité.

Toujours une île en cache une autre. On s’explique ainsi non seulement les espaces emboîtés d’« île dans l’île » en partage à la majorité des robinsonnades (antres, enclos, cirques ou bassins) mais aussi la présence simultanée d’au moins deux « codes », heuristique (île à défricher), herméneutique (île à déchiffrer), bien montrés par Roland Barthes à propos de L’Île mystérieuse (1874)[9] et permettant de distinguer récit d’île – appropriation de l’île en surface – et roman de l’île – élucidation d’un secret de l’île en profondeur. Il y a secret quand l’antériorité toujours à jamais perdue mais toujours à jamais déjà là du récit d’île est intériorisée de manière à laisser penser que si l’île est déserte c’est parce qu’elle est vierge de toute écriture et qu’il revient donc à chaque réécriture d’inventer son autre île en y fondant sa propre origine[10].

Éric Fougère

[1] Voir Éric Fougère, Les Voyages et l’ancrage, représentation de l’espace insulaire à l’âge classique, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 61.

[2] Voir Ian Watt, The Rise of the Novel, Londres, Chatto and Windus, 1957 ; « Robinson Crusoe as a Myth », in Michael Shinagel éd., Robinson Crusoe, New York, Londres, Norton & Company, 1975.

[3] Dans sa préface aux Réflexions sérieuses de Robinson Crusoé (1720), Paris, Bibliothèque de la Pléiade, 1972, p. 594.

[4] Voir George A. Starr, Defoe and Spiritual Autobiography, Princeton, Princeton University Press, 1965 ; John Paul Hunter, The Reluctant Pilgrim, Baltimore, John Hopkins University Press, 1966.

[5] D. Defoe, ibid. (je souligne).

[6] Voir Jean-Paul Engélibert, La Postérité de Robinson Crusoé, un mythe littéraire de la modernité, Genève, Droz, 1997.

[7] Jean-Michel Racault, « Le paradoxe de l’île déserte », in Lise Andries éd., Robinson, Paris, Éditions Autrement, 1996, p. 104.

[8] Jean-Pascal Le Goff, Robinson Crusoé ou l’invention d’autrui, Paris, Klincksieck, 2003, p. 176.

[9] Voir R. Barthes, « Par où commencer ? », in Nouveaux Essais critiques, Paris, Points Seuil, 1972, p. 145-155.

[10] Voir É. Fougère, « Un point sur la reprise insulaire » in Maria de Jesus Cabral et Ana Clara Santos éd., Les Possibilités d’une île, Paris, Pétra, 2014, p. 15-32 ; « Pierre Benoit, récit d’île et roman de l’île », in Carnets, revue électronique d’études françaises, IIe série, n° 3 (2015).