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Tourisme Insulaire et Colonialisme

Tant dans l’absence ou dans la représentation stéréotypée de l’habitant que dans l’identification de l’île à son idéal, un regard étranger et la maîtrise de la représentation ont leur empreinte. L’élément insulaire, écrivent Adam Grydehøj, Yaso Nadarajah et Ulunnguaq Markussen (2020), a joué un rôle dans la construction des sphères de pouvoir coloniales et néocoloniales. De plus, il ne s’agit pas d’un lieu purement imaginaire – disons, par exemple, l’île de Caliban, que ce soit chez William Shakespeare ou Aimé Césaire – mais d’une dépendance particulière qui, selon Yolanda Martínez (2018), continue d’être opérationnelle. On pourrait même identifier une tendance historique à l’utilisation de certains territoires dits « d’outre-mer » comme laboratoire ou modèle dans l’assimilation d’autres régions insulaires ou, dirions-nous même, d’autres continents. Des concepts utilisés pour désigner les îles éloignées de leurs métropoles comme « territoires d’outre-mer » ou « régions ultrapériphériques », utilisés dans le contexte européen, dénotent déjà le lien complexe entre insularité et colonialisme. Certains chercheurs ont projeté ce lien pour la constitution de l’élément insulaire comme destination touristique, surtout lorsque cette insularité est liée à des territoires géostratégiquement plus « au sud » des pays européens avec des capitales continentales qui ont été « leurs » métropoles. Helen Kapstein (2017) identifie dans cette capacité à générer « des lieux autres » une origine particulière, liée à l’imaginaire constitutif des nations européennes.

Carla Guerrón (2011) a étudié l’usage touristique du concept d’« île paradisiaque » dérivé de la projection de concepts tels que la « découverte » des îles, même lorsque celles-ci sont habitées, et les représentations des colonisateurs survivent dans les représentations actuelles. Ainsi, par exemple, bien que les îles de la Caraïbe soient parmi les plus hétérogènes socialement et ethniquement dans la culture populaire, elles sont reproduites dans des versions simplifiées et uniformes, empreintes d’exotisme et d’exubérance. Sur l’île, le temps semble s’être arrêté. Les îles, écrit Kapstein, fonctionnent comme un microcosme particulier sur lequel la nation peut projeter ses stéréotypes. En ce sens, Anthony Soares écrit que « Aujourd’hui, dans un contexte prétendument postcolonial, les îles offrent, peut-être, les images les plus puissantes, les plus angoissantes et les plus anormales du projet néocolonial, et peuvent donc être considérées comme des exemples des vies complexes après l’empire » (2017 : 16). Dans le monde du capitalisme global, la simplicité de l’identification entre l’insularité et la colonie est remise en question par la capacité des îles elles-mêmes à générer des dynamiques de pouvoir hiérarchiques (emblématiquement, au siège de grands groupes hôteliers, se trouvant aux Baléares, et qui étendent leurs dynamiques aux Caraïbes). Il n’en demeure pas moins, cependant, qu’un certain imaginaire colonial survit dans la représentation des îles, c’est-à-dire dans leur représentation audiovisuelle, dans l’identification du résident comme serviteur du visiteur, dans les hiérarchies nationales qui s’imposent dans la dynamique même de l’accueil touristique. Tina Jamieson, par exemple, l’a étudié dans la permanence de l’idée d’exotisme qui s’entretient dans l’utilisation de certaines îles du Pacifique comme lieux de mariage, pour des touristes qui viennent généralement des anciennes métropoles (Hampton ; Jeyacheya 2014). Louis Turner et John Ash (1975) écrivaient déjà que le tourisme, depuis ses débuts au XIXème siècle, est devenu un agent de consolidation de « l’empire ». Il serait intéressant d’évaluer comment le capitalisme tardif décline cette perception « impérialiste » dans des formes de domination géostratégique ou d’exploitation des ressources naturelles, qui ne répondent plus à la dialectique centre-métropole x périphérie. Ce lien entre l’idéologie coloniale et l’image mythifiée de l’île justifierait, pour certains, une certaine spécificité dans le développement du tourisme dans les enclaves insulaires. La récurrence de la segmentation insulaire dans la promotion touristique, qui coexiste bien entendu avec d’autres segmentations également déterminées par des imaginaires plus ou moins coloniaux – le désert, l’Orient, l’indigène, le paysage nordique sauvage, les villes « historiques » – semble accompagner cette idée qui a cependant été remise en question.

Mercè Picornell

Références:

Grydehøj, Adam; Nadarajah, Yaso; Markussen, Ulunnguaq (2018). « Islands of indigeneity: Cultural Disctinction, Indigenous Territory and Island Spaciality ». Area, 52(1): 14-22.

Guerrón Montero, Carla (2011). « On Tourism and the Constructions of ‘Paradise islands’ in Central America and the Caribbean ». Bulletin of Latin American Research, 30: 1. 21-34.

Kapstein, Helen (2017). Postcolonial Nations, Islands, and Tourism. Londres i Nova York: Rowman i Littlefield International.

Martínez, Yolanda (2018). « Colonialismo y decolonialidad archipelágica en el Caribe ». Tabula Rasa: revista de humanidades, 29. 37-64. Turner, Louis; Ash, John (1975). The Golden Hordes: International Tourism and the Pleasure Periphery. Nova York: St. Martin’s Press.

Tourisme et Mythe Insulaire

Dans la configuration de l’image touristique de la plupart des destinations insulaires, leur condition mythique est fondamentale. Les échos fantaisistes de leurs noms ou surnoms pour les îles dépassent la frontière entre réalité et fiction, de l’Ithaque d’Ulysse aux îles Fortunées que certains ont voulu situer en Macaronésie. Dans la littérature, les îles désignent un lieu de refuge ou un espace reculé, naturel et inhabité, même quand – comme dans La Tempête ou Robinson Crusoé – il est effectivement habité. Le fantasme insulaire crée une fascination liée à l’idée d’altérité, de distance ou de séparation (Sharpley 2012). Le mythe insulaire a entraîné une falsification ou une simplification du sens du mot « île » lui-même, qui renverrait, écrivent Charles C. Lim et Chris Cooper (2008), à une idée de fantasme, d’évasion de la routine et de la normalité. C’est le thème qui dépeint l’île comme un petit territoire tropical (Baldacchino 2008), ignorant la diversité des territoires insulaires qui ne rentrent pas dans la catégorie. Selon David Harrison (2001) cette ambivalence prévaut encore dans les représentations contemporaines, dans lesquelles l’île est présentée comme une échappatoire à la frénésie quotidienne et comme un lieu lointain et inhospitalier. Cela est également utilisé dans la publicité comme allégation pour des produits aussi divers que les shampoings, les eaux de Cologne ou les boissons rafraîchissantes. John Gillis (2007 : 274) place les îles parmi les « géographies mythiques » de la culture occidentale, où elles sont associées à l’éloignement, à la différence et à l’exotisme. L’idée métaphorique de l’île – explique Pete Hay (2006 : 30) – peut même nous empêcher de nous souvenir de la réalité des îles et de leur diversité. L’impulsion mythique de l’île semble guider de manière irréversible la conceptualisation touristique des enclaves insulaires et conditionne le regard touristique qui, selon John Urry, conditionne non seulement les attentes du touriste, mais peut même modifier le paysage, c’est-à-dire l’adapter à ce que le mythe vend, en exagérant, par exemple, ce qui, aux Canaries, peut ressembler au Tropical ou en créant un locus amoenus vert à partir de pelouse plantée sur les terrains de golf des îles méditerranéennes menacées par le manque de pluie pendant une grande partie de l’été.

Mercè Picornell

Références:

Baldacchino, Godfrey (2008). « Studing Islands: On Whose Terms? Some Epistemological and Methodological Challenges to the Pursuit of Island Studies ». Island Studies Journal, 3: 1. 37-56.

Gillis, John (2004). Islands of the Mind: How the Human Imagination created the Atlantic World. Nova York: Palgrave Macmillan.

Hall, M. C. (2012). « Island, islandness, vulnerability and resilience ». Tourism Recreation Research, 37(2), 177-181.

Harrison, David, « Islands, Image and Tourism », Tourism Recreation Research, 26(3), 9-14. Lim, Charles C. (2008). « Beyond sustainability: optimising island tourism development ». International Journal of Tourism Research, 11: 1, 89-103.

Tourisme Insulaire: Spécificité

Il existe de nombreuses îles qui se projettent globalement comme des destinations touristiques et qui sont surtout connues comme telles. Cette projection est souvent indépendante de celle du continent auquel elles sont souvent symboliquement liées, ou de leur statut administratif particulier (c’est-à-dire si ce sont ou non des États insulaires). Ainsi, celui qui visite Hawaï ne le fait pas comme une escale sur sa route à travers les États-Unis, et le caractère insulaire de Malte ou de Chypre l’emporte certainement sur leur statut d’État. Bien qu’il existe des études spécifiques sur le tourisme dans les îles dites « froides », la littérature critique sur le tourisme insulaire fait surtout référence aux petites îles dans des environnements chauds (îles aux eaux chaudes) qui peuvent être promues comme destinations plage et soleil.

Cette identification n’a pas empêché une réflexion critique sur l’existence d’une spécificité dans la caractérisation du tourisme en milieu insulaire. Pour certains auteurs, cela semble plus influencé par le mythe insulaire que par la possibilité d’isoler les caractéristiques spécifiques du tourisme qui se développe en milieu insulaire par rapport à d’autres lieux. R. Sharpley (2012), par exemple, se demande si les îles sont des destinations populaires en raison de leur situation géographique ou parce que les services qu’elles offrent sont plus fréquents sur les îles. Pour cet auteur, les processus qui affectent le tourisme dans les contextes insulaires – connectivité, migration, contact avec d’autres réalités – ne sont pas spécifiques et suggèrent que la particularité touristique des îles serait plus métaphorique que non-réelle.

D’autres auteurs recourent cependant aux facteurs socio-environnementaux des milieux touristiques pour identifier les particularités qui doivent être prises en compte dans l’analyse de leur développement. Celles-ci tiennent avant tout à deux facteurs fondamentaux. Le premier serait la vulnérabilité, avant tout, des écosystèmes, limités dans leur propre délimitation géographique et qui, compte tenu de l’augmentation de la population et des services qu’implique le tourisme, pourrait avoir pour corollaire une surexploitation des ressources naturelles (McLeod ; Dodds i Butler, 2021 ; Hall 2015 ; Orelha 2008). Dans ce contexte, la bibliographie critique qui tente d’identifier des formules de résilience ou d’optimisation pouvant garantir une exploitation touristique plus durable est abondante. D. B. Weaver (2017) identifie un « syndrome de la périphérie vertueuse » résultant à la fois du besoin et de l’héritage, qui transforme de petites îles en lieux de résilience et d’innovation. En second lieu, surtout sur les petites îles, sans développement industriel antérieur à l’exploitation touristique, le tourisme a remplacé une économie agraire ou de subsistance difficile à maintenir à l’ère de la mondialisation. Weaver considère le tourisme comme une formule opportune de développement économique, où les facteurs apparemment négatifs des contextes insulaires seraient transformés en facteurs positifs par l’industrie touristique. Cette monoculture est cependant souvent considérée comme une forme de dépendance qui peut même être une réminiscence de l’impérialisme et qui rend les économies et les populations insulaires dépendantes de facteurs que leurs habitants et leurs gouvernements ne peuvent contrôler. Cela s’est par exemple produit avec la pandémie de Covid-19 et la nécessité d’établir des plans d’action face au changement climatique qui menacerait gravement les enclaves insulaires est soulevée. Tous les habitants, observe Buhalis (1999), ne partagent pas la richesse associée au développement du tourisme ; au contraire, la plupart des habitants locaux ne participent qu’à des emplois secondaires et peu qualifiés et rémunérés. D’autant plus lorsque le capital est accumulé par les grandes entreprises et les multinationales du loisir. Enfin, il faut considérer que Baum (1996) et Baldacchino (2013) font référence à un autre facteur pertinent dans la spécificité des enclaves insulaires en tant que destinations touristiques et qui est lié à une certaine perception de totalité qui permettrait d’avoir la perception de visiter « une » réalité. Ainsi, par exemple, il semble plus viable de visiter Madagascar que la France ou la Thaïlande, malgré leur superficie plus petite. En fait, ce même sentiment favorise la création de «  marques  » touristiques plus facilement que dans les destinations continentales où, pourtant, cela se produit également.

Mercè Picornell

Références :

Baldacchino, G., 2013. Island tourism. In: Holden, A., Fennell, D. (Eds.), A Handbook of Tourism and the Environment. Routledge, London, pp. 200–208.

Baum, T. G. 1996. « The Fascination of Islands: The Tourist Perspective », D. G. Lockhart i D.Drakakis-Smith, eds. Island Tourism: Problems and Perspectives. Londres : Pinter, 21-35.

Buhalis, Dimitrios (1999). « Tourism on the Greek Islands: Issues of Peripherality, Competitiveness and Development », International Journal of Tourism Research, 1(5). 341-358.

Hall, M. C. (2012). « Island, islandness, vulnerability and resilience ». Tourism Recreation Research, 37(2), 177-181.

McLeod, Michelle; Dodds, Rachel i Richard Butler (2021). « Introduction to special issue on island tourism resilience », Tourism Geographies, 23(3), 361-370.

Oreja Rodríguez, J. R. Et al (2008). « The sustainability of island destinations: Tourism area life cycle and teleological perspectives. The case of Tenerife ». Tourism Management, 29(1). 53-64.

Sharpley, R. 2012. « Island tourism or tourism on islands? », Tourism Recreation Research, 37(2), 167-172.

Weaver, D. B. 2017. « Core-periphery relationships and the sustainability paradox of small island tourism ». Tourism Recreation Research, 42(1), 11-21.

Viagens, de João dos Reis Gomes

Le titre Viagens (Voyages) apparaît dans la littérature de voyage d’auteurs madériens comme la compilation, à titre posthume, de trois œuvres de João dos Reis Gomes, Através da França, Suíça e Itália, Três Capitais de Espanha et Através da Alemanha. La particularité de cet(ces) ouvrage(s) est comprise comme étant un (des) exemplaire(s) de la littérature de voyages d’un auteur madérien concernant des voyages effectués hors de l’espace insulaire et de l’espace portugais.

Nous croyons, à cet égard, que ce type de littérature de voyage produite par des auteurs madériens ou des auteurs éprouvant de la sympathie pour Madère qui voyagent dans des zones continentales permet, dans le cas de João dos Reis Gomes, l’ouverture d’une autre suggestion de recherche qui est la vision de l’Europe continentale par un îlien originaire d’un territoire de l’ultrapériphérie européenne actuelle. Les textes de João dos Reis Gomes suggèrent également une interprétation du phénomène touristique du début du XXème siècle, lié à des raisons religieuses, récréatives ou médicinales et thérapeutiques, ce qui est également vécu dans l’espace insulaire.

            Dans ce contexte, le témoignage de voyage d’un îlien dans un espace continental révèle une mesure de description propre à quelqu’un résidant sur une île et qui peut mesurer le monde à travers elle, ce qui permet d’envisager l’insularité comme une ouverture sur le monde.

Dans Viagens, João dos Reis Gomes, motivé par la connaissance de l’autre, offre au lecteur le regard de l’écrivain voyageur et non un simple commentaire touristique : « Il s’approprie le rythme et la technique de l’épisode et du récit historique, assurant la couleur locale, à travers un regard témoin, subjectif. Apparaît alors la catégorie de l’écrivain voyageur, avec une double fonction : être un regard qui écrit et, en même temps, un écrivain » (Mello, 2010 : 145). En ce qui concerne les trois livres qui composent le volume Viagens, nous parlons d’une expérience résultant du deuxième voyage madérien aux sanctuaires mariaux européens, d’un voyage de loisirs en Espagne et d’un voyage pour des raisons de santé et de loisirs en Allemagne.

Através da França, Suíça e Itália a été publié sous forme de livre en 1929, sur la base des chroniques de João dos Reis Gomes publiées tout d’abord dans le journal Diário da Madeira en 1926, l’année du deuxième voyage madérien. Nous pensons que le deuxième voyage madérien s’inscrit dans le contexte des grands voyages transnationaux qui se déroulent un peu dans toute l’Europe, influencés par le climat des apparitions de Fatima, la canonisation de Marguerite de Alacoque, le 13 mai 1920, par le pape Benoît XV, et l’afflux important de pèlerins à la grotte de Lourdes, phénomène de foi, facilité par des groupes catholiques.

Cependant, nous parlons d’une histoire banale parce que João dos Reis Gomes avoue qu’il ne se sent pas capable d’aborder les questions religieuses et écrit parce que ses amis lui ont demandé de le faire : « Certains amis m’avaient demandé, avec une insistance sérieuse, de leur donner quelques brèves impressions de ce voyage » (Reis Gomes, 2020 : 23). Nous croyons que l’un des plus grands points d’intérêt de ce récit de voyage est la démonstration de la pensée conservatrice de l’auteur et ses réflexions sur la politique, la société et la culture, en gardant à l’esprit que João dos Reis Gomes est militaire de formation et un îlien qui se voit devant différentes manières d’être. Ce à quoi nous pouvons ajouter une certaine admiration pour l’ordre politique italien, surtout si nous la comparons aux événements du Portugal et à la situation périlleuse de la Première République : « Le voyageur ressent la parfaite communion du peuple avec le sauveur de l’Italie [Mussolini]  » (Reis Gomes, 2020 : 157).

En tant qu’écrivain voyageur insulaire, la nostalgie (« saudade ») s’installe lors de certains épisodes de l’auteur et de sa comitive, comme c’est le cas de la comparaison avec la Côte d’Azur et les montagnes de Suisse : « Le spectacle [le paysage suisse] est, en vérité, grandiose et émouvant d’évocation. Personne n’a cessé de penser, plus vivement, à sa petite maison sur l’île majestueuse » (Reis Gomes, 2020 : 195).

En ce qui concerne Três Capitais de Espanha, il s’agit du récit d’un voyage particulier, dédié à son fils Álvaro Reis Gomes, « compagnon de ces digressions » (Reis Gomes, 2020 : 227). Le périple de l’écrivain voyageur est intimement lié à l’histoire espagnole, du nord, Burgos, en passant par Tolède, conquise par Alphonse VI, jusqu’à la ville impériale de Séville. Le témoignage de l’écrivain voyageur s’appuie sur l’art et la culture et la subjectivité de l’admiration : « Mais pourquoi j’écris alors ?! D’abord, par une imposition d’esprit ou, plutôt, de sensibilité, qui ne me permet pas de contenir les émotions captées – […] ; deuxièmement, parce que, étant donné le droit d’admirer, dans l’appréciation de tout fait, pays ou œuvre d’art, il y a toujours un certain facteur subjectif  » (Reis Gomes, 2020 : 229).

En ce qui concerne Através da Alemanha, nous sommes devant la curiosité qu’il s’agit d’un livre publié en 1949, avec les chroniques publiées en 1931, dans le journal Diário da Madeira. L’édition livresque a pour but de témoigner au lecteur de la civilisation allemande d’avant la Seconde Guerre mondiale : « seulement des éléments pour une confrontation entre le passé [1931] et le présent [1949] ; confrontation qui, aussi déchirante qu’expressive, si au moins elle pouvait contribuer – naïve utopie ! – à adoucir l’âme et à prévenir la conscience » (Reis Gomes, 2020 : 283).

Outre l’approche d’un pays éloigné de la périphérie européenne, les intérêts de João dos Reis Gomes se trouvent à Neubabelsberg, la visite du studio de l’UFA (Universum-Film Aktiengesellschaft) et la contemplation de l’art cinématographique, la remontée du Rhin (d’où il retirera une inspiration pour son livre A Lenda de Loreley, contada por um latino) et son émotion, en tant que journaliste et homme des arts, lors de son passage par le musée Gutenberg, à Mayence.

Pour tout cela, nous pensons que Viagens est un exemple de l’écrivain voyageur insulaire et de la perspective extérieure qu’il apporte au monde insulaire, de par la conscience qu’il s’agit de mondes différents et de par le phénomène du tourisme. Les thèmes abordés reflètent le fait que l’insularité appartient à un monde global, dans lequel les événements qui se produisent dans un espace et un temps donnés sont interconnectés et agissent sur plusieurs autres points géographiques, qu’ils soient de nature politique, culturelle, philosophique ou scientifique.

Paulo César Vieira Figueira

Orlanda Amarílis

Orlanda Amarílis Lopes Rodrigues Fernandes Ferreira était une écrivaine capverdienne, née sur l’île de Santiago, le 8 octobre 1924. Elle a fait ses études primaires et secondaires à Mindelo (île de São Vicente), avant de s’installer dans l’État portugais de Goa où elle a terminé ses études pour devenir institutrice. À Lisbonne, elle a fait des études en Sciences Pédagogiques à l’Université de Lisbonne. Elle est décédée dans la capitale portugaise le 1er février 2014.

Les lettres ont toujours été présentes dans sa vie, à travers son mari, l’écrivain Manuel Ferreira (Leiria, 18-7-1917/Linda-a-Velha, 17-3-1992), spécialiste de la littérature et des cultures africaines lusophones, auteur de No Reino de Caliban e A aventura crioula ; à travers son père, Armando Napoleão Rodrigues Fernandes (Brava, 1-7-1889/Praia, 19-6-1969), qui a publié le premier dictionnaire créole-portugais, O Dialecto Crioulo: Léxico do Dialecto Crioulo do Arquipélago de Cabo Verde ; et à travers Baltazar Lopes da Silva (São Nicolau, 23-4-1907/Lisbonne, 28-5-1989), auteur de Chiquinho et fondateur de la revue Claridade.

En tant que membre de l’Academia Cultivar, fondée par des élèves du Lycée Gil Eanes, et collaboratrice de la revue Certeza (1944), Orlanda Amarílis appartenait à la Génération de Certeza, dont l’intention principale était de problématiser l’isolement de l’archipel du Cap-Vert et des îles entre elles, dans le but de construire la culture et l’identité capverdiennes : « Les écrivains de la Génération de Certeza proposent de lutter obstinément et prennent un engagement d’action et de changement, basé, avant tout, sur des textes littéraires qui privilégient la reconstruction identitaire capverdienne et la lutte contre l’oppression » (Deus, 2020 : 75-76).

Concernant la Génération de Certeza et le supposé problème avec les «  Claridosos  », Orlanda Amarílis parle d’un travail de continuité :

Quand la revue Certeza est apparue, ce n’était pas pour combattre la revue Claridade comme je l’ai entendu quelque part. J’ai même entendu dire que Certeza n’a pas été un point de repère. Cependant, pour nous [les membres de l’Academia Cultivar], Certeza apporterait quelque chose de nouveau. Il y avait une pulsation différente en nous, d’une génération postérieure, donc plus récente que les fondateurs de Claridade. Fonder Certeza a permis de continuer ce que Claridade avait commencé. (Laban, 1992 : 271-272).

Au fil du temps, Amarílis est devenue l’un des visages féminins les plus importants de la littérature capverdienne, exprimant, dans son œuvre, la femme capverdienne et la diaspora. Leurs histoires révèlent une contribution importante à l’enregistrement et à la diffusion du patrimoine immatériel du Cap-Vert.

À son retour, après une longue absence, elle se remémore son insularité perdue, cherchant dans ce temps d’éloignement physique la force qui l’a faite écrire et diffuser la vie des îles, jusque dans la « sottise naïve » de pouvoir revivre ce temps-là. :

j’ai été mise en position de chercher un univers perdu et, si cette rupture a existé virtuellement, cela s’est avéré positif, car cela m’a obligée à écrire. Cependant, mon climat émotionnel à ce moment-là n’a aucune raison d’exister en ce moment. Il est naïvement idiot de penser qu’il est possible, après tant d’années d’absence, de revivre les émotions de cette époque. […]. Quand je suis revenue au Cap-Vert il y a quelques années, les cendres du volcan qu’avait été ma vie jusqu’à mes seize ans se sont dispersées devant moi. (Laban, 1992 : 263)

Comme œuvre la plus remarquable, nous considérons Cais do Sodré té Salamansa (1974 ; 1991), dont le titre fait référence à Lisbonne et à l’île de São Vicente, plus précisément au village situé au nord-est de Mindelo. L’ensemble de sept contes fait connaître les facettes que nous soulignons dans les contes d’Orlanda Amarílis, en rapport avec la diaspora, la femme et le sentiment capverdien d’abandon et de retour dans les îles, dans un voyage qui a commencé à « Cais do Sodré » et se termine à « Salamana ».

Avec des personnages qui incarnent les îles, à travers l’identité, le langage (expressions, formes d’adresse, chansons, habitudes du quotidien), la difficulté et l’épreuve de la vie, et à travers la subtilité dichotomique, physique et figurative, entre le personnage qui quitte l’espace de l’archipel et celui qui reste, «étant en exil, ils opposent sans cesse la mémoire de leur identité capverdienne aux modifications provoquées par l’éloignement spatial et temporel, et cet éloignement s’insère dans leurs filiations identitaires » (Silva, 2010 : 63), Orlanda Amarílis propose une réflexion sur «des sujets importants de la scène socioculturelle capverdienne comme, par exemple, la redéfinition de l’identité culturelle, la violence de genre, l’oppression subie par les femmes, la solitude, l’émigration » (Deus, 2020 : 80 ).

À propos de Cais do Sodré té Salamansa, nous soulignons ce que nous pouvons considérer comme une synthèse de l’écriture d’Orlanda Amarílis. Dans la dernière partie du conte « Salamansa », Antoninha « chante en s’amusant » (Amarílis, 1991 : 82) une chanson en créole qui sert de point de départ pour invoquer la plage de Salamansa, la communion avec la mer et l’émigrante Linda, fille de la « rue do Cavoquinho » (Amarílis, 1991 : 80), qui symbolise les difficultés de la vie des femmes des îles : « Oh, Salamansa, plage aux vagues libres et bruyantes comme des filles convoitées le jour de la Saint-Jean. Oh, Salamansa, du poisson frit dans les assiettes couvertes au fond des paniers et des chopes de maïs grillé par tantine dans des chaudières à sable chaud. Sable de Salamansa, Linda roulant sur le sable » (Amarílis, 1991 : 82).

Parmi les œuvres de l’auteur, il convient de mentionner, outre Cais do Sodré té Salamansa, Ilhéu dos pássaros (1982), A casa dos Mastros (1989), Facécias e Peripécias (1990), A tartaruguinha (1997).

Paulo César Vieira Figueira

Sérgio António Neves Lousada

Sérgio António Neves Lousada est Professeur Assistant à l’Université de Madère, Directeur du cursus de 1er cycle – Licence à la FCEE, dans le cursus de Génie Civil, domaine principal de l’Hydraulique, de l’Environnement et des Ressources Hydriques et domaine secondaire de la Construction. Directeur du Cursus Technique Supérieur Professionnel – Construction Civile à l’École Supérieure de Technologies et de Gestion de l’Université de Madère. Il est membre du Groupe de Recherche sur l’Analyse des Ressources Environnementales (ARAM) – Université d’Estrémadure (Uex) ; VALORIZA – Centre de Recherche pour la Valorisation des Ressources Endogènes, Institut Polytechnique de Portalegre (IPP), Portugal ; CITUR-Madère – Centre de Recherche, de Développement et d’Innovation dans le Tourisme, Madère, Portugal ; RISCO – Département de Génie Civil de l’Université d’Aveiro, Aveiro, Portugal.

Domaines privilégiés de ses recherches : Analyse spatiale, Gestion du territoire, Hydrologie, Hydraulique, Planification urbaine, Systèmes d’information géographique (Sig), Territoires insulaires.

orcid.org/0000-0002-8429-2164

slousada@staff.uma.pt

Guiomar Teixeira, de João dos Reis Gomes

Le drame historique Guiomar Teixeira, de João dos Reis Gomes, est l’adaptation au théâtre du roman historique du même auteur, A Filha de Tristão das Damas.

Publié en 1913 et mis en scène la même année au Teatro Funchalense[1], nous pensons que Guiomar Teixeira est régi par les mêmes intentions que le roman historique: se remémorer les 400 ans de l’aide du capitaine Simão Gonçalves da Câmara lors de la conquête portugaise de Safi, « La pièce a été écrite avec l’intention par un coup d’œil sur le passé de réveiller des brios endormis et, en particulier, élever la grande et fière âme madérienne » (Reis Gomes, 1914 : 11), et protester subtilement contre l’état d’autonomie administrative, accordée au district de Funchal, en 1901 : « cette pièce marque le début d’une ère de renouveau historique qui, parmi nous, atteint son apogée en 1922, avec les Commémorations du Vème  Centenaire de la Découverte de Madère » (Melo e Carita, 1988 :87) .

En suivant le script de A Filha de Tristão das Damas, l’une des plus grandes curiosités de Guiomar Teixeira est celle qui nous permet de considérer João dos Reis Gomes comme le premier dramaturge à introduire «- une première absolue au niveau national et même international – la cinématographie comme appui à la représentation théâtrale sur scène, en montrant un film dans le 4ème et dernier tableau» (Rodrigues, 2019 : 153), dans la représentation de la bataille entre chrétiens et musulmans : « la maîtrise avec laquelle il [João dos Reis Gomes] a envisagé le tableau grandiose du siège de Safi, où apparaît pour la première fois l’idée très originale de profiter du cinématographe, pour révéler immédiatement cette particularité de son talent » [2].

Dans le journal Diário da Madeira du 24 juin 1913, João dos Reis Gomes lui-même explique l’idée de la fusion entre le théâtre et le cinéma : « le théâtre, qui s’appuie sur tant d’arts, de sciences et d’industries, utiliserait ici, avec une singulière pertinence, l’une des réalisations les plus belles, les plus répandues et les plus utiles de l’optique : l’animatographe »3. En d’autres termes, la bataille de Safi, qui comprenait l’expédition de Madère, serait représentée à l’aide de la toile.

Le film est présenté comme suit : « Au loin, un paysage des environs de la ville, reproduit par le Cinématographe, où se déroule la dernière étape de la grande bataille contre les Maures qui s’est terminée par le siège de Safi » (Reis Gomes, 1914 : 79 ). Lors du passage du film muet, « O Cerco de Safim (Le Siège de Safi) », les acteurs, accompagnés d’un orchestre, font les commentaires sur scène : « Les soldats suivent attentivement, commentant dans le dialogue qui suit, toutes les particularités de la rencontre des cavaleries portugaise et maure, reproduite par le cinématographe » (Reis Gomes, 1914 : 79).

« Le siège de Safi » a ainsi été intégré à la représentation de Guiomar Teixeira. Le tournage a eu lieu le 25 mai 1913, au lieu-dit Chão da Abegoaria, Caniço, dans le but de faire partie de la pièce, comme en témoigne le journal Diário da Madeira : « Avant-hier, au lieu-dit Chão da Abegoaria, Caniço, a eu lieu le simulacre de combat entre maures et chrétiens, qui avait été annoncé, et qui sera reproduit par l’animatographe pendant le troisième intermède de la monumentale pièce historique du capitaine d’artillerie Mr. João dos Reis Gomes, Guiomar Teixeira »4.

Lors de la représentation du 28 juin 1913, Emma Trigo a joué de rôle de Guiomar et João dos Reis Gomes celui de Christophe Colomb. Les autres rôles ont été joués par Izabel de Oliveira, Maria Dulce Reis Gomes et Vieira de Castro, entre autres5. La pièce a également été représentée par la prestigieuse compagnie italienne Vitaliani-Duse, non plus « comme représentation d’amateurs » (Rodrigues, 2019 : 152), en 1914 : « Le succès de cette pièce fut tel que cette année-là [1913] la célèbre compagnie dramatique italienne Vitaliani-Duse est invitée à venir à Funchal » (Melo et Carita, 1988 : 87).

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3 Journal Diário da Madeira, 24-6-1913, p. 1, « J. Reis Gomes ‘Guiomar Teixeira’ ». Dans cet article, Reis Gomes fait connaître les conversations qu’il a eues à Lisbonne avec deux personnalités de la mise en scène pour la dramatisation de la pièce dans la capitale.

4 Journal Diário da Madeira, 27-5-1913, p. 1, « Guiomar Teixeira, ‘o combate entre mouros e christãos’, o dia de ante-hontem no Caniço ».

5 Journal Diário da Madeira, 30-6-1913, p. 1, « Noite d’arte ».

Lors des commémorations du Cinquième Centenaire de Madère, Guiomar Teixeira est à nouveau représentée, liée, une fois de plus, à l’exultation du brio madérien, lorsque les élites revendiquaient à nouveau une meilleure autonomie, dans une perspective d’amélioration socio-économique. Pour cela, ils reprennent l’âge d’or des débuts de l’archipel, camouflant les intentions régionalistes et autonomistes des élites madériennes des années 1920.

C’est ainsi que nous comprenons le rôle de Guiomar Teixeira dans cet événement. Étant donné que le Cinquième Centenaire est un événement de grande visibilité, il est logique qu’une pièce basée sur un roman historique qui, de manière déguisée, appelle à l’autonomie, soit une référence pour les festivités, en comptant sur la publicité dans les journaux canariens et sur la présence de personnalités renommées, comme Sofia de Figueiredo.

Pour nous, Guiomar Teixeira justifie une analyse séparée, car nous pensons qu’elle englobe des aspects politiques et culturels du sentiment d’insularité madérien et une contribution à la construction de ce sentiment identitaire, en abordant des points tels que l’autonomie, le régionalisme et le fait de revivre la « période la plus glorieuse et brillante de l’histoire de cette île » (Reis Gomes, 1914 : 10), bien que dans une perspective de patrie.

Le drame historique met en valeur des caractéristiques marquantes qui valident un panthéon régional distinct de l’ensemble national, mais, en même temps, partie intégrante de cet ensemble : « La construction du régionalisme cherche des fondements dans le discours scientifique, culturel et littéraire. Parallèlement à l’affirmation de ces politiques et mouvements en faveur de la région, des études locales et régionales se développent. L’Histoire locale et régionale gagne en visibilité et se différencie de l’Histoire nationale. Un panthéon de héros régionaux se construit. » (Vieira, 2018 : 20).

Guiomar Teixeira a été traduite en Italien par Virgilio Biondi, sous le titre La Figlia del Vice-Ré.

Paulo César Vieira Figueira

[1] L’actuel Teatro Municipal Baltazar Dias s’est appelé auparavant Teatro D. Maria Pia, Teatro Funchalense et Teatro Dr. Manuel Arriaga.

[2] Journal Diário da Madeira, 17-2-1913, p. 1, « A filha de Tristão das Damas e a Guiomar Teixeira (Cartas a uma senhora) II ». La deuxième partie de l’article de Braz Zinão est une contribution critique à l’appréciation de Guiomar Teixeira, louant le talent et l’inventivité de João dos Reis Gomes, comme dans le cas de l’introduction du film « O Cerco de Safim (Le Siège de Safi) ».

Susana L. M. Antunes

Susana L. M. Antunes est titulaire d’un doctorat de l’Université du Massachusetts à Amherst, spécialisée dans la littérature portugaise et brésilienne contemporaine et la littérature africaine en langue portugaise. Elle est Professeur Assistant (Professora Assistente) et Coordinatrice du programme de Portugais à l’Université du Wisconsin-Milwaukee où elle enseigne la langue portugaise, la littérature et la culture lusophone. Elle est actuellement membre du Groupe de Recherche sur les Etudes du Paysage dans les Littératures de langue portugaise à l’Université Fédérale Fluminense, Brésil (CNPq) et du Centre d’Etudes Comparatistes de l’Université de Lisbonne (CEComp). Entre autres travaux de traduction publiés, elle est traductrice pour l’Institut International de Géopoétique (France). Ses intérêts de recherche portent sur la littérature insulaire (Ecocrítica), la littérature de voyage et la poésie portugaise contemporaine. Elle a participé à divers congrès aux États-Unis, au Brésil et en Europe. Elle est l’auteur du livre De Errâncias e Viagens Poéticas de Jorge de Sena et Cecília Meireles (Afrontamento, 2020) et, en 2021, elle a coordonné et édité le livre Ilhas de voz em reencontros compartilhados (Quod Manet).

Planification Hydraulique

« Le monde est plein d’îles » (Baldacchino, 2006, p.4). Il n’est pas surprenant qu’au cours des dernières décennies, il y ait eu un regain d’intérêt pour les études insulaires, attirant des chercheurs de différentes disciplines qui, ensemble, ont su promouvoir cette « nouvelle » voie de recherche, développant ainsi ce que l’on appelle la « science des îles ».

La science des îles, bien que jeune, a révélé une grande pertinence dans les études internationales, comme en témoigne le titre éditorial de la revue Tijdschrift voor Economische en Sociale Geografie :  « L’arrivée de l’Ère des études insulaires » (Baldacchino, 2004), proclamant ainsi la «maturité» des études insulaires (King, 2010).

Pour Young, l’île est un lieu de secret et de mystère, mais son isolement conditionne aussi son évolution historique (Young, 1999, p. 2). En ce sens, la spécificité insulaire peut-elle être en corrélation avec la problématique hydraulique ? Cette entrée entend donc faire connaître les principales tendances de l’Hydraulique au niveau de la recherche. Dans ce sens, et en ce qui concerne les territoires insulaires, l’article de Paulo Espinosa et de Fernanda Cravidão, dans la revue « Revista Sociedade & Natureza », avec pour titre  « A Ciência das Ilhas e os Estudos Insulares: Breves reflexões sobre o contributo da Geografia / The Cience of islands and the insular studies: brief point of view about the importance of geography  » (« La Science des Îles et les Etudes Insulaires : Brèves Réflexions sur la contribution de la Géographie »), contient un ensemble de sujets à étudier et sur lesquels réfléchir.

Toutes les terres émergées, de plus ou moins grandes dimensions, sont entourées d’océans, de sorte que les îles occupent inévitablement une place d’une extrême importance dans la vie mondiale (Biagini ; Hoyle, 1999, p. 1). Il existe des faits qui traduisent, de manière synthétique, la valeur réelle des îles dans le monde, bien qu’ils soient souvent ignorés par la plupart des chercheurs. Selon Baldacchino (2007), près de 10 % de la population mondiale, soit près de 600 millions de personnes, vivent actuellement sur des îles, occupant environ 7 % de la surface de la Terre. Environ un quart des États indépendants du monde sont des îles ou des archipels. De plus, les îles s’affirment comme des identités et des espaces différenciés dans un monde de plus en plus homogène, du fait du processus de mondialisation.

Malgré leur valeur, les petits espaces insulaires sont souvent associés à un ensemble de contraintes structurelles, car «du fait de leur échelle, les petites îles sont limitées en taille, en superficie, en ressources, en potentiel économique et démographique, et en pouvoir politique» (Royle, 2001, p. 42). Ainsi, il n’est pas surprenant que de tous les pays souverains pas entièrement insulaires, seuls deux aient leur capitale sur une île ; il s’agit du Danemark et de la Guinée équatoriale, ce qui traduit une préférence politico-fonctionnelle pour les espaces continentaux au détriment des territoires exclusivement entourés d’eau.

Ainsi, il existe de nombreuses difficultés et potentialités que nous pouvons trouver sur les îles. Par conséquent, ces espaces ont une énorme richesse en termes d’étude scientifique. Lockard & Drakakis-Smith (1997) précisent que les thèmes des îles qui ont le plus retenu l’attention des chercheurs incluent, outre l’activité touristique, l’émigration et la migration de retour, les transports et l’accessibilité, les ressources limitées, comme l’eau, et les politiques de développement économique.

L’eau a donc toujours été un facteur essentiel d’établissement de la vie en général et de l’Homme en particulier. L’importance de ce liquide a entraîné, au cours des millénaires, une évolution des techniques de transport pour la consommation humaine (Baptista, 2011).

Malgré cette évolution, constatée au fil des années d’existence de l’espèce humaine, c’est dans l’histoire plus récente, principalement au XXème siècle, que de grands progrès ont eu lieu dans les systèmes d’approvisionnement en eau, en raison de la nécessité de répondre à l’accroissement démographique partout dans le monde et de l’émergence de nouveaux matériaux, comme, par exemple, les polymères. Au niveau du projet également, une grande évolution a été notée, du fait de la découverte de nouvelles lois hydrauliques qui permettent d’optimiser les conditions d’approvisionnement (Baptista, 2011).

Dans la plupart des cas actuels, les bâtiments sont alimentés par un réseau public qui transporte de l’eau potable. Il existe cependant des situations dans lesquelles l’alimentation du bâtiment se fait à l’aide de puits. Dans ces cas, il est nécessaire de procéder de manière à garantir la potabilité de l’eau (Baptista, 2011).

Lors de l’exécution de ce type de projet, des facteurs essentiels sont pris en compte, tels que l’économie, les conditions d’application et d’utilisation, les exigences d’aménagement, ainsi que la composition chimique de chaque matériau, en tenant toujours compte de la législation qui régit ce type de systèmes. C’est sur la base de l’optimisation de ces facteurs que sont construits les réseaux d’adduction d’eau (APA, 2018).

La planification de l’eau vise à accompagner et à orienter la protection et la gestion de l’eau et la compatibilité de ses usages avec sa disponibilité afin de (APA, 2018) :

1. Garantir son utilisation durable, en veillant à ce que les besoins des générations actuelles soient satisfaits sans compromettre la possibilité des générations futures de répondre aux leurs ;

2. Prévoir des critères d’attribution pour les différents types d’usages prévus, en tenant compte de la valeur économique de chacun d’entre eux, ainsi qu’assurer l’harmonisation de la gestion de l’eau avec le développement régional et les politiques sectorielles, les droits individuels et les intérêts locaux ;

3. Établir les normes de qualité environnementale et les critères relatifs à l’état des eaux.

Suite à ce qui a été décrit, je peux affirmer que les raisons ne manquent pas d’étudier cette question dans un contexte insulaire. Quelle que soit la perspective utilisée, la recherche sur les îles révèle un large éventail thématique, étant donné qu’elles peuvent être analysées sous différents angles, et la discipline de l’Hydraulique peut contribuer à l’étude des « sciences des îles », en particulier en ce qui concerne la planification hydraulique.

Sérgio Lousada

Références

APA. (2018). Políticas, Água, Planeamento. Obtenu de l’Agence Portugaise de l’Environnement : https://www.apambiente.pt/index.php?ref=16&subref=7&sub2ref=9#

Baptista, F. P. (2011). Sistemas Prediais de Distribuição de Água Fria. Lisboa: IST. Obtenu sur https://fenix.tecnico.ulisboa.pt/downloadFile/395142730852/Tese.pdf

Baldacchino, G. (2004). The Coming of Age of Island Studies. Tijdschrift voor Economische en Sociale Geographie. V. 95, n. 3, pp. 272-283. DOI: http://dx.doi.org/10.1111/j.1467-9663.2004.00307.x

Baldacchino, G. (2006). Extreme Tourism: Lessons from the world cold water. Oxford: Elsevier, p. 4.

Baldacchino, G. (2007). Introducing a world of islands. In: Baldacchino, G. (Ed.). A World of Islands. Charlottetown: University of Prince Edward Island, Institute of Island Studies, p. 1-29.

Biagini, E. & Hoyle, B. (1999). Insularity and Development on an Oceanic Planet. In: Biagini, E. & Hoyle, B. (Eds.). Insularity and Development: international perspectives on islands. London: Pinter, p. 1.

King, R. (2010). A geografia, as ilhas e as migrações numa era de mobilidade global. In: Fosnseca, M. L. (Ed). Actas da Conferência Internacional – Aproximando Mundos Emigração e Imigração em Espaços Insulares. Lisboa: Fundação Luso-Americana para o Desenvolvimento, p. 27-62.

Lockhart, D. & Drakakis-Smith, D. (1997). Island Tourism: Trends and Perspectives. London: Mansell, 320 p.

Royle, S. (2001). A Geography of Islands: Small Island Insularity. London: Routledge, p. 42.

Young, L. B. (1999). Islands: Portraits of Miniature Worlds. New York: W. H. Freeman and Company, p. 2.

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